Retour

Chronique de Michèle Desrues – Schéma corporel et yoga (2e partie)

08/03/2018 | Avis d'expert

La maîtrise du corps
 

1°) LA FONCTION POSTURALE
 

À partir du livre  « La psychomotricité au service de l’enfant »

Bruno DE LIÈVRE ET Lucie STAES

Ed. De Boeck et Belin

 

Depuis sa création, le RYE est animé par une constante démarche de recherche sur les meilleurs moyens de transmettre le yoga aux enfants et aux jeunes. Sur notre site internet, nous donnons notamment la parole à différents spécialistes qui ont tous une expertise reconnue dans les milieux du yoga et de l’enfance. Voici le second volet d’une série d’articles rédigés par Michèle DESRUES – pédiatre et professeure de yoga – sur l’accompagnement du yoga dans l’acquisition du schéma corporel et le développement de l’enfant à tout âge.

Dans une première chronique, nous abordions ensemble la notion de schéma corporel et les cinq premières étapes de son acquisition : le corps subi, le corps vécu, le corps perçu, le corps connu et le corps exprimé. Dans cet article, nous allons désormais nous pencher sur la sixième et dernière étape de l’acquisition du schéma corporel : le “corps maîtrisé”, ou comment acquérir la maîtrise de son corps.

En effet, le corps est l’un des instruments principaux de l’être humain. Il doit pouvoir répondre correctement aux désirs de l’individu et s’adapter à son environnement. Au cours de sa croissance, l’enfant va, petit à petit, maîtriser les différentes possibilités de son corps. Ainsi, le processus de formation du schéma corporel s’opère grâce à différentes fonctions, qui interagissent ensemble tout au long du développement de l’être humain :

 

– La fonction posturale. Elle comprends le tonus, l’équilibre, l’inhibition et la relaxation.  
– La coordination. Il s’agit d’une coordination dynamique globale, une coordination des mouvements et enfin oculomotrice.
– La respiration
– La sensibilité
 

Nous allons nous concentrer dans cet article sur la fonction posturale, avant de traiter les autres points dans une prochaine chronique. Cette première fonction aide l’enfant à maîtriser son tonus et par conséquent son état intérieur, voire affectif.

 

A) LE TONUS
 

Sans tonus, nous ne serions qu’une poupée de chiffon incapable de tenir debout.

Définition : Le tonus est l’état de tension légère, permanente et involontaire des muscles striés. Il assure le maintien d’une position et peut varier en fonction de l’état émotionnel.

Il existe un tonus de fond et un tonus postural.

 

– Le tonus de fond  : il rend compte du relâchement musculaire.
Quelques exemples :

– On peut découvrir le tonus de fond par une épreuve que les enfants aiment beaucoup :  celle du « bras mort ». L’enfant laisse aller son bras comme s’il était en caoutchouc. Le bras soulevé doit suivre passivement les mouvements imprimés. Quand on le lâche, il doit retomber souplement.

 

Si le bras est trop souple et les mouvements trop amples, on parle d’hypotonie.

Si le bras ne se détend pas ou ne retombe pas, c’est un signe d’insuffisance de relaxation musculaire ou d’hypertonie.

 

– On peut s’amuser à « la poupée de chiffon » en faisant la même chose avec les autres parties du corps.

– On peut aussi examiner la flexion palmaire du poignet en essayant de faire toucher le poignet avec le pouce du même côté.

– de 3 à 5 ans, le pouce touche le poignet
– jusqu’à 10 ans, il reste environ 2 cm d’écart
– au-delà de 10 ans, il y a environ 7cm d’écart entre pouce et avant-bras
 

– Le tonus d’action : il met en liaison le tonus et le mouvement volontaire.
 

On demande à l’enfant de poser son index sur son nez :

 

S’il est hypertonique, le mouvement sera lent, le doigt arrivera difficilement sur le nez.
 

S’il est hypotonique, le mouvement sera rapide et le doigt va frapper le nez.
 

–  Le tonus postural
Il s’agit de l’ensemble équilibré des contractions musculaires qui permettent le maintien d’une position, laquelle sera le support d’une activité motrice. Son effet est de lutter contre la pesanteur. Il s’ajuste en fonction du déplacement de la tête ou du corps ou d’un membre.

 

Évolution normale :

– Vers 3 mois, le tonus du cou et de la tête va permettre à l’enfant de soutenir sa tête dans différentes positions du corps.
– Entre 6 et 8 mois, l’enfant peut tenir assis. Le tonus du dos est meilleur.
– Entre 9 et 12 mois, les muscles du bassin se renforcent. L’enfant peut ramper et marcher à quatre pattes.
– Entre 10 et 12 mois, ses jambes sont assez fortes pour qu’il puisse se mettre debout.
– Entre 12 et 18 mois, il pourra marcher seul.
 

Quelques exemples :

 

– Épreuve de l’accroupissement : après 18 mois, l’enfant accroupi décolle les talons du sol ce qu’il ne fait pas s’il est hypotonique ou hyperlaxe.
 

– Des exercices de gainage peuvent être proposés à tous les enfants.
 

 

Lors des exercices, certaines articulations restent fixées dans une position déterminée.

 

– Jouer à la brouette : avec des enfants de 3 ans ½, le porteur doit être plus âgé : il doit tenir l’enfant au niveau des cuisses. Vers 4 ans ½ : les enfants peuvent se soutenir l’un l’autre. Ils peuvent le faire au niveau des genoux. Vers 5 ans ½, ils se soutiennent au niveau des chevilles.
 

– Jeu du combat de coqs (5 ans) : deux enfants, bras croisés, sautent à cloche-pied et se cognent au niveau des bras afin de déséquilibrer l’adversaire.
 

Pompes : d’abord face au mur (5 ans), les mains à plat à hauteur des épaules, en restant raide comme un bâton, il doit approcher le nez du mur. Au fur et à mesure des possibilités de l’enfant, les mains se placeront de plus en plus bas : sur une table (6 ans), sur un tabouret (7 ans) ou au sol (8 ans).
 

 

 

B) L’ÉQUILIBRE
 

L’équilibre s’acquiert petit à petit avec la maturation du cervelet et de l’oreille interne.

Évolution normale :

– Vers 3 ans, un enfant monte et descend les escaliers en alternant les pieds.
– A 4 ans : il peut tenir sur un pied quelques secondes. Il peut sauter sur un pied environ 2 mètres, mais uniquement sur le pied dominant.
– A 5 ans, il saute à cloche-pied sur les deux pieds, mais il subsiste une différence de distance parcourue selon le pied.
 

Il est donc important de noter qu’afin de ne pas mettre l’enfant en difficulté, il ne faudra pas lui proposer des exercices d’équilibre, seul, trop tôt.

Exemple : La posture de l’arbre avant 6/7 ans. Par contre, faire une « forêt » à plusieurs, en se tenant, sera possible…

Pour aider l’enfant à acquérir l’équilibre, on peut lui proposer des petits  jeux /exercices, assis, agenouillé ou debout. Plus l’enfant va grandir, plus les jeux se feront loin du sol.

 

Équilibration en assise :

Nous pouvons proposer des exercices dans les 4 positions suivantes :

– assis, jambes écartées allongées (grande base de sustentation)
– assis sur une chaise (bon pour l’équilibration d’avant en arrière)
– assis à califourchon (bon pour l’équilibration latérale et avant-arrière)
– assis sur le sol, les jambes croisées en tailleur (la base est réduite, ensemble plus instable).
On va demander à l’enfant de bien sentir les points d’appuis, d’abord les yeux ouverts, puis les yeux fermés, puis on va lui proposer divers mouvements :

 
 Mouvements des membres supérieurs :
– Battre des bras comme un oiseau (élévation du centre de gravité)
– Imiter la brasse (déconcentration par rapport à l’équilibre)
– Jeter une balle en l’air et la rattraper (déplacement du centre de gravité sur sa base)
– Se passer une balle d’une main dans l’autre (déconcentration et déplacement du centre de gravité) 
Mouvements de la tête (stimulation labyrinthique)
– Faire comme si on s’endormait, se réveillait (flexion du tronc en avant)
– Se balancer comme un pendule ((flexion latérale du tronc)
– Suivre un point qui tourne au dessus de la tête (comme s’il y avait une mouche)
 

 Mouvements du tronc

> En avant et en arrière :
 

– En file indienne, prendre le ballon présenté par le précédent et le passer par dessus la tête au suivant.
– En file indienne, jouer à la chenille : les enfants se penchent d’avant en arrière, les mains tiennent le précédent aux épaules.
– Face à face, tirer et pousser sur une corde, se passer une balle.
 

> Flexion latérale
 

– Les enfants assis en cercle se passent des sacs de riz, ou des balles, de droite à gauche en allant chercher loin d’un coté et de l’autre.
– Se balancer de gauche à droite sur une chanson dont on peut faire varier le rythme.
– Assis à califourchon sur un banc, les enfants prennent un objet placé à droite et viennent le poser dans un cerceau situé à gauche.
 

> Rotation du tronc
 

– Assis entre deux cerceaux, transporter un sac de l’un à l’autre avec les deux mains.
– Assis en file indienne, les enfants se passent un ballon par rotation du tronc puis changent de sens
– Les enfants assis dos à dos, se passent un objet par la gauche puis par la droite.
 

> Autres mouvements du tronc
 

– Avancer sur les ischions, les jambes tendues en soulevant celles-ci l’une après l’autre.
– Les mains derrière le dos, se tenir assis sur un gros ballon.
 – Glisser sur un plan incliné (toboggan)
 

 

Équilibration en agenouillé :
Trois positions possibles : 

– assis sur les talons,

– à genoux,

– en demi-agenouillé, un genou au sol et un pied posé devant.

 

Dans l’une et l’autre de ces positions, on peut reprendre tous les mouvements faits en assise.

Les mouvements des membres supérieurs tendent à élever le centre de gravité. Les mouvements de la tête favorisent les réactions labyrinthiques et les mouvements du tronc font bouger la projection du centre de gravité.

Équilibration debout :

En statique, les mêmes exercices peuvent être réalisés dans les quatre positions suivantes :

– station écartée latérale (base stable, bon équilibre latéral)
– station écartée en avant (base stable, bon équilibre antéro-postérieur)
– debout pieds plus ou moins rapprochés
 

En dynamique, tous les déplacements peuvent être envisagés :

–  se déplacer sur des plots plus ou moins écartés, sur un plan incliné, sur un banc
– enjamber des bâtons posés au sol, des plots, des cerceaux
– trouver tous les moyens de traverser une chaise retournée
– marcher sur différentes matières : plots durs, coussins, tapis…
 

On peut adapter ces activités d’équilibre dynamique

– en occupant les mains de l’enfant par des quilles
– en leur fournissant une cloche à porter en main sans tinter
– en leur faisant porter un objet encombrant comme un grand sac
– en leur faisant porter une caisse sur la tête
 

 

 

C) INHIBITION
 

L’inhibition est le contrôle de l’empêchement, de l’arrêt, du freinage, d’un ou de tous les mouvements.

 

Évolution normale :

– vers 18 mois, l’enfant apprend à arrêter un geste spontané en cours de réalisation : ex. : Il veut prendre un objet et arrêt son mouvement parce que sa maman lui dit « non ». Cet apprentissage va donc de pair  avec l’apprentissage du « non ».
 

– vers 3 ans, l’enfant est capable d’arrêter un geste rapide.
 

– vers 4 ans, il module mieux la vitesse de ses mouvements et il peut réaliser des gestes plus ou moins lents.
 

– vers 5 ans,  il peut rester immobile, les yeux fermés pendant 10 secondes.
 

Pour encadrer cette évolution, nous pouvons proposer des exercices de freinage, de transformation du mouvement, de l’arrêt d’un mouvement et enfin de l’immobilité.

 

a. Apprentissage du freinage
 

Quelques exemples :

– Marcher ou courir au rythme d’une musique
– Se déplacer librement et au signal : freiner, marcher comme une poupée mécanique, aller de plus en plus lentement, marcher comme un robot
– Alterner les périodes de déplacement rapide et des périodes de freinage en s’adaptant à une mélodie
– Donner du mouvement à un foulard, un ruban et ralentir progressivement
– Représenter une scène donnée au ralenti 
– Jouer au robot, à l’automate
 

 

b. Transformation du mouvement
– Passer d’un mouvement de marche ou de course en avant, à la marche en arrière
– Les enfants placés en deux cercles (A,B) concentriques : les A et les B tournent vers la droite. Au signal, les B changent de sens de la rotation
 

 

c. Apprentissage de l’arrêt
Les enfants se déplacent et au signal : arrêt

– Les déplacements peuvent être divers : marche, course, sauts ; les signaux peuvent être d’origines différentes : sonores (tambourins, sifflets, clochettes, arrêt de la musique…), visuels (bras levés, contraste lumière-noir…), tactiles (toucher dans le dos, foulard qui tombe sur l’enfant, toucher avec différentes matières (baudruche, objet froid, doux…)
– Arrêt d’un mouvement des bras, des jambes, des mains…
– Arrêt du geste avec un mobile qui continue son mouvement : un ballon, une balle de ping-pong, un ballon de baudruche…
– Arrêt avec un autre partie du corps qui continue : des signaux sont convenus (ex. tambourin, sifflet, cloche) : les enfants marchent en frappant dans les mains : au signal du tambourin, arrêt de la marche mais les mains continuent à battre ; au son du sifflet, arrêt des battements des mains mais la marche continue ; au son de la cloche, on arrête tout.
 

 

 

Apprentissage de l’immobilité
 

– Le « Jeu des Mouches » : tout le monde tient les mains jointes. Un des participants lance une balle. On ne bouge les mains que pour attraper la balle, sinon la mouche s’envole.
– Le « Jeu des statues » : rester dans une position donnée ; les enfants peuvent eux-mêmes placer un des leurs dans une certaine posture.
– Le « Jeu des photos » : les enfants se déplacent librement. Au signal, ils gardent leur position comme s’ils étaient photographiés.
– Le « Jeu 123 Soleil »
 

 

 

D) RELAXATION
 

La relaxation est une technique psychomotrice qui vise à contrôler le tonus, à améliorer la connaissance que l’on a de son corps., Ainsi, on améliore la connaissance que l’on a de soi-même. Rappelons que le tonus est étroitement lié à la vie affective avec pour chacun un lien très étroit entre la vie tonique et la vie affective. Un petit enfant réagit à un état de bien-être, de satisfaction par une baisse de tonus. Il réagit à un état de malaise par une augmentation de tonus. En apprenant à l’enfant à maîtriser son état de tension musculaire, on lui donne aussi le moyen de contrôler ses tensions affectives. En lui apprenant à mieux se connaître, on l’aide à mieux se situer face aux choses et aux êtres qui l’entourent.

 

Évolution normale :

Aux enfants de moins de 7 ans, nous pouvons proposer des séquences de relaxation courtes :

– Dès 3 ans, on peut inviter les enfants à un retour au calme en les faisant, par exemple se coucher « comme si on allait dormir ».
Exempe : A quatre pattes, l’enfant imite le petit chat qui s’étire, se met en boule, étend une patte, se couche et s’endort.

 

– Vers 4 ans, on peut ajouter à cet exercice celui de fermer les yeux et d’écouter les bruits environnants. On peut aussi raconter une histoire aux enfants assis.
 

– Vers 5 ans, l’enfant est capable de se coucher et de centrer son attention sur ce qu’il ressent à l’intérieur (se laisser aller comme une poupée de tissu, s’écouter respirer…)
 

 

Vers 6 ans, on peut préciser la position demandée (se coucher sur le dos) et attirer l’attention sur certaines parties du corps (relâchement des mains et des bras). Cet exercice peut durer jusqu’à 4 ou 5 minutes.
 

Vers 7 ans, on proposera petit à petit à l’enfant de prendre conscience de son corps, du relâchement de telle ou telle partie de celui-ci ou de son contact avec le sol. La séance de relaxation peut durer jusqu’à 10 minutes.
 

 

Créer les conditions permettant la relaxation

Durant toute séance de yoga, aussi courte soit-elle, le formateur doit veiller à respecter les conditions favorisant la relaxation.

 

Diminuer les stimulations extérieures  :

– Le bruit : prévoir un endroit calme
– La lumière : veiller à tamiser la lumière du jour ou diminuer l’éclairage
– Les mouvements : la salle ne doit pas être traversée par d’autres personnes.
– La température : le local doit être agréablement chauffé, ni trop ni trop peu.
 

Veiller au confort des enfants :

–  Les vêtements non serrés

–  La position invitera au repos : couché, assis les bras sur la table…

–  Prévoir des couvertures, des coussins…

 

Moyens pour aider les enfants :

– Une musique douce, une chansonnette…
– Un ton de voix doux et uniforme
– Un contraste entre exercices de tension et de relâchement
– Un contact avec un objet comme une balle que l’enfant fait rouler lui-même dans son dos, ou sous son pied, ou qu’un camarade fait rouler sur les jambes ou le dos…

Dans la prochaine chronique, nous évoquerons les autres étapes de la maîtrise du corps : la coordination, la respiration et la sensibilité.

Gestion des cookies