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Detox numérique

10/02/2020 | La chronique de Jacques de Coulon

Par Jacques de Coulon et Sophie Flak

« Le numérique porte en germe des risques de dissolution de soi tout comme de formidables possibilités de lien à autrui. »
Les parents du 21e siècle ont une lourde responsabilité : celle d’éduquer la toute première génération de digital natives, les enfants ayant grandi avec pléthore d’objets numériques à leur disposition dès leur prime enfance.
Comment tirer les pleins bénéfices des nouvelles technologies, sans sombrer dans ses travers tels l’addiction, voire de la dé-sociabilisation ou son contraire la surexposition de soi ? Le yoga pourra être d’une aide précieuse pour faire émerger une utilisation raisonnée des nouvelles technologies et mettre à distance certains usages parfois trop envahissants.

Extrait du livre de Sophie Flak et Jacques de Coulon : Restez zen, vos enfants sont connectés ! Comment le yoga vous aide à garder le contrôle à l’ère numérique, éditions Payot ©Éditions Payot & Rivages, Paris, 2020 

 

« Alors que l’on accole les expressions « ère du numérique » et « vivre ensemble », se pose la question de leur compatibilité. Le numérique n’est-il pas l’incarnation de la solitude et de l’enfermement de l’individu seul face à son écran ? 

Il est effectivement aisé de se laisser aller à voguer dans les méandres du net sans prendre conscience des minutes qui s’égrènent. Et ce d’autant plus que de multiples jeux, applications, blogs et réseaux sociaux sont conçus afin d’être les plus addictifs possibles. Pourquoi ? La raison est simple : leur modèle économique repose sur la maximisation du temps d’attention des utilisateurs afin de leur présenter le plus grand nombre possible de publicités rémunératrices. 

Le nombre d’utilisateurs et le temps passé sur les solutions numériques est particulièrement problématique chez les plus jeunes. Dès 2014, une étude TNS-Sofres (1) démontrait que la pénétration des jeux vidéo était beaucoup plus importante chez les 6-9 ans et les 10-14 ans que dans les autres classes d’âges avec respectivement 77% et 89% de joueurs. Une autre enquête (2) réalisée auprès de 2000 élèves du secondaire de la région parisienne a démontré que 14% d’entre eux estimaient avoir un usage problématique et addictif des jeux, avec pour conséquence directe de perturber leurs résultats scolaires et leur socialisation. 

Certains élèves passent une bonne partie de la nuit sur leur ordinateur, absorbés par leurs jeux vidéo. Le matin, on les voit débarquer en classe un peu groggys. Une mère d’élève nous dit, perplexe : « Mon fils ne sort plus : il s’isole face à sa console. Même quand nous sommes en famille, il s’exile sur son iPad, complètement absent à ce qui se dit autour de lui. » (…)

Pour aider les enfants et les adolescents à décrocher de leur bulle numérique, le yoga apporte un contrepoint salutaire permettant d’abord de se reconnecter avec son corps et avec son souffle.  Et par là-même avec le monde réel. »

L’excès d’utilisation des écrans nous déconnecte du corps physique qui reste immobile pendant de longues heures alors que le mental est hyper-stimulé. Il suffit de nous regarder ou de regarder nos enfants pour nous en convaincre : assis sur une chaise, souvent voutés voire avachis, seuls nos doigts cliquent et pianotent sur les souris et écrans. Peu à peu notre corps s’ankylose alors que notre esprit est saturé d’informations et d’images. Le yoga dans sa définition première veut dire ‘’union, lien’’. Alors que le numérique ‘’efface’’ notre corps et sur-sollicite le cerveau, le yoga a la faculté de recréer un équilibre de l’être en renouant les liens entre le corps et l’esprit. Il pourra notamment être d’une aide salutaire pour aider à détacher les jeunes de leurs écrans. Afin de ramener progressivement et tout en douceur les jeunes dans leur corps, sans les brusquer, on pourra leur proposer l’exercice suivant, inspiré des Pawana Muktasana Répété régulièrement, il aidera à remettre les outils numériques à leur juste place. 

Sur le plan symbolique, Pawana Muktasana veut dire posture (asana) qui purifie (pawana) et libère (mukta). Physiologiquement, cette courte série permet de mobiliser les principales articulations, de stimuler la circulation sanguine et d’induire ainsi un sentiment de réappropriation de son corps physique. Revenir à son corps contribue à rééquilibrer la relation entre le monde physique et le monde virtuel.

 

Position de départ : assis sur une chaise, les genoux et les pieds légèrement écartés, le dos droit. Tous les mouvements décrits ci-après sont à réaliser lentement, en conscience et répétés trois fois :

Les mains posées sur les cuisses, contractez les doigts de pieds pendant quelques instants puis relâchez-les;
Soulevez le genou droit afin que votre pied ne touche plus le sol – vous pouvez vous aider en croisant les mains sous la cuisse pour la porter –, tirez la pointe du pied vers vous puis tendez la pointe du pied vers le sol. Faites ensuite le côté gauche.
Soulevez le genou droit, tendez la jambe, puis pliez-la. Reposez votre pied sur le sol et répétez ce mouvement avec l’autre jambe.
Tendez les bras devant vous, écartez les doigts les uns des autres puis repliez-les en serrant fortement les poings, pouces sortis.
Tendez les bras devant vous, les paumes tournées vers le ciel, pliez les bras, les mains viennent se poser sur les épaules puis dépliez les bras ;
Posez les mains sur les épaules et enroulez les épaules vers l’avant puis vers l’arrière ;
Posez les mains sur les cuisses, tournez la tête à droite, revenez de face, tournez la tête vers la gauche et revenez de face ;
Levez la tête vers le haut, revenez au centre, baissez le menton vers la poitrine et revenez de face.
Cette séquence peut être faite en commençant par les pieds et en remontant vers la tête, telle que décrite ci-dessus. Elle aura un effet dynamisant. Réalisée en débutant par la tête et en terminant par les pieds, elle aura un effet apaisant.

À partir de quel âge ? Cette pratique, très simple, peut être réalisée à tout âge, avec des adultes et des enfants. 

Où pratiquer ? Intérieur, extérieur, assis sur une chaise, choisissez un endroit calme.

Quand pratiquer ? Vous pouvez réaliser cette courte pratique à tous moments de la journée.

Et s’il y a des récalcitrants ? Le yoga doit rester une démarche volontaire, aussi, ne forcez personne. Pratiquez devant votre enfant peut lui donner envie de vous imiter.
 

Sophie Flak est présidente du RYE – Recherche sur le Yoga dans l’Éducation -, Jacques de Coulon est un de ses membres fondateurs. L’association adapte le yoga et la relaxation au champ éducatif pour stimuler l’apprentissage et améliorer le vivre ensemble à l’école, dans le strict respect du principe de laïcité. Pour en savoir plus : www. rye-yoga.fr

 

(1) Les pratiques de consommation des jeux vidéo des Français, CNC-TNS-Sofres, Les études du CNC, octobre 2014
(2) Enquête PELLEAS – Programme d’étude sur les liens et l’impact des écrans sur l’adolescent scolarisé -, OFDT et Croix-Rouge, décembre 2014

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