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Chroniques des fondateurs

Les six étapes du yoga pour se préparer à un examen

par Jacques de Coulon

Nous approchons de la fin de l’année scolaire, période d’examens, notamment des baccalauréats. Comment s’y préparer le plus sereinement possible ? Le yoga sera d’une grande aide. Nous allons suivre ici les première étapes des Yoga Sutras de Patanjali telles que nous les avions décrites dans notre livre avec Micheline Flak, Le Manuel du yoga à l’école [1] en les appliquant à la préparation d’une épreuve :

1.    S’entraider, travailler ensemble : yama.

2.    Se désencombrer l’esprit et le clarifier : niyama.

3.    S’oxygéner le cerveau : asana, pranayama.

4.    Evacuer le stress en se relaxant : pratyahara.

5.    Se recentrer et visualiser la situation : dharana.

6.    Assimiler un savoir par les sens intérieurs : dharana.

Dans un premier temps, nous vous conseillons de lire attentivement ce qui suit pour vous faire une idée du chemin que vous allez emprunter jusqu’à l’examen, pour cartographier mentalement votre itinéraire. Il en va de même lorsque vous décidez de vous rendre en un lieu : vous prenez des renseignements sur le parcours et vous vous visualisez en train de le suivre. Cette brève anticipation vous permettra de mieux planifier ce que vous allez accomplir.

 

L'entraide : coopérer (yama)

Je me souviens de deux classes parallèles où j’enseignais la philosophie il y a quelques années. À Noël, les résultats de la première étaient excellents, aucun élève n’ayant de résultats insuffisants. Dans la deuxième, au contraire, près du quart des élèves étaient à la peine. Je proposai donc à ces derniers de préparer leur bac par groupes de deux ou trois, notamment pour les mathématiques, la philosophie et les langues. Par exemple, l’élève bon en maths expliquait la matière à son camarade en difficultés et l’autre, doué en allemand, entraînait son condisciple dans la langue de Goethe. Résultat des courses : dans cette classe, tout le monde réussit son baccalauréat alors que dans la première classe, réputée si sérieuse, plusieurs élèves échouèrent, chacun ayant travaillé dans son coin. 

Ce cas illustre l’importance de l’entraide. On intègre beaucoup mieux une matière en l’expliquant à autrui et les éclaircissements d’un camarade sont souvent plus efficaces que ceux d’un professeur qui s’adresse à l’ensemble d’une classe. Chacun tire profit du travail en commun. L’un de mes professeurs nous disait qu’en matière de coopération, 1 + 1 ne fait pas 2 mais 3 ! Une nouvelle intelligence émerge au contact d’autrui. Tout l’art consiste à former des groupes efficaces et complémentaires. 

Une autre manière de collaborer consiste à se répartir les thèmes de l’examen, chaque élève préparant un résumé précis d’une partie de la matière pour ses camarades. Encore faut-il savoir ce qui est le plus important, distinguer l’essentiel de l’accessoire.

 

La clarification mentale : nettoyer son esprit (niyama)

Descartes nous conseille d’avoir des « idées claires et distinctes » avant d’entreprendre quoi que ce soit. Sinon nous avancerons comme des aveugles dans le brouillard sur les sentiers de la vie. Nous avons déjà souligné l’importance de se représenter clairement la marche à suivre en vue de l’objectif d’un examen. Oui, mais comment concrètement se débarrasser des multiples pensées, souvent négatives, qui défilent comme de sombres nuages dans notre ciel intérieur ? Voici un exercice tiré de notre livre Le manuel de la méditation au collège et au lycée [2] : 

Le vent qui chasse les nuages

1.   Assis, dos droit, commencez par prendre conscience de tout votre corps.

2.   Fermez les yeux et observez le souffle dans l’abdomen, dans la poitrine puis dans le petit triangle du nez.

3.   Placez-vous au milieu de votre boîte crânienne. Observez l’espace frontal et la légère luminosité à travers vos paupières. Obscurcissez maintenant cet espace en plaçant les paumes des mains en coques devant les yeux. Vous voici au centre d’une salle de cinéma, dans le noir : il n’y a plus rien sur l’écran.

4.   Après avoir enlevé les mains de vos yeux, sentez votre voûte crânienne et visualisez-la comme une voûte céleste. Pour l’instant, le ciel est traversé par de nombreux nuages noirs et gris qui symbolisent tous vos soucis.

5.   Bouchez vos oreilles en appuyant sur les lobes avec les pouces et imitez le bruit d’un fort vent en expirant par la bouche tout en modulant un fffff ou un léger sifflement. En même temps, visualisez les nuages sombres qui sont progressivement chassés par le vent sous la voûte crânienne. Le ciel s’éclaircit peu à peu jusqu’à ce qu’un soleil radieux brille au zénith, dans l’azur. Il n’y a plus un seul nuage dans le ciel. Rien que l’infinité de l’azur. Vous débouchez vos oreilles tout en contemplant cette immensité.

6.   Revenez dans l’espace frontal puis reprenez conscience de votre souffle et de votre corps avant de rouvrir les yeux.

Nous perdons énormément d’énergie en nous préoccupant de ce qui ne dépend pas de nous : le temps qu’il fait, le passé que nous ne pouvons pas réécrire, l’humeur d’autrui. Le Stoïcien Epictète nous enjoint de nous concentrer sur ce qui dépend vraiment de nous : « La réalité du bien se trouve dans ce qui dépend de nous. Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses mais bien la façon dont ils se les représentent. Qu’est-ce donc qui est à toi ? L’usage des représentations » [3]. 

Si je fais l’exercice à propos des examens de baccalauréat, je constaterai une multitude de vains tracas qui ne relèvent pas de moi : l’état d’esprit de l’examinateur ce jour-là, la question qui me sera posée, la météo du moment… Mais alors qu’est-ce qui est en mon pouvoir ? Le travail de révision en vue de l’épreuve, la sollicitation d’un camarade pour m’expliquer telle matière, la façon (positive ou non) dont j’envisage l’épreuve…

Faites un tableau de deux colonnes à propos de la situation (examen par exemple) que vous avez à vivre prochainement. À gauche, vous noterez ce qui dépend de vous, à droite ce qui vous échappe :

Remplissez vous-même un tableau personnalisé puis tracez avec vigueur tous les éléments de la colonne de droite qui ne relèvent pas de vous et qui risquent de polluer votre espace mental.

 

L'oxygénation du cerveau : irriguer les cellules cérébrales (asana, prayanama)

Trop d’étudiants demeurent des heures durant assis derrière un bureau. Leur cerveau risque alors de se fatiguer par manque de « sang frais ». D’où la nécessité de prendre des pauses. Le plus stimulant serait de se promener ou de courir dans la nature en faisant le vide de pensées liées au travail et le plein de sensations venues de l’environnement : chant des oiseaux, couleurs des fleurs, air fouettant le visage, odeurs des bois ou contact des pieds sur le sol. 

Si l’on n’a pas envie de sortir du bureau, on se lèvera simplement de sa chaise pour pratiquer une brève séance de yoga en exécutant quelques mouvements en accord avec le souffle. L’idéal est de bien s’étirer en respirant pleinement et d’irriguer le cerveau en baissant la tête. D’où les exercices suivants :

L’arbre qui pousse

Position de départ : debout, dos droit ; les pieds sont légèrement écartés et parallèles.

1.     Expirez en abaissant légèrement le menton. Simultanément laissez souplement tomber les bras devant vous en avançant les épaules : les mains se placent dos à dos.

2.      L’inspiration se déroule en trois temps :

a.     Inspiration basse : pliez les avant-bras devant vous, les coudes restant en contact avec les côtes basses ; les paumes des mains sont soit tournées vers l’avant, soit l’une contre l’autre. Vous effectuez une inspiration abdominale.

b.     Inspiration médiane : toujours en inspirant, les coudes se détachent des côtes pour se porter latéralement dans le prolongement horizontal des épaules. Puis les avant-bras se déplient parallèlement au sol. Vous vous retrouvez les bras en croix. Vous accomplissez ici une respiration médiane.

c.     Inspiration haute : levez les deux bras verticalement au-dessus de la tête tout en continuant d’inspirer. Les bras sont tendus, sans raideur, et parallèles.

N.B. Ces trois mouvements a, b et c se font sur une seule inspiration. Essayez de bien synchroniser l’inspiration et ces trois gestes. 

3.     Poumons pleins, bras au-dessus de la tête, tournez les paumes des mains vers le ciel.

4.     Expirez en dessinant la forme arrondie du feuillage de l’arbre : tout en gardant la position des mains, abaissez les bras sur les côtés d’un geste lent et continu jusqu’à ce qu’ils se retrouvent le long du corps.

 

L’horloge

1.   Debout, dos droit, bras le long du corps, redressez-vous bien en serrant les fessiers (bascule du bassin) et en rentrant légèrement le menton.

2.   Expirez en penchant la tête et le haut du corps vers l’avant tout en laissant les bras tomber naturellement vers le bas, dos arrondi.

3.   Dans cette position, balancez les bras alternativement vers la gauche et vers la droite plusieurs fois, imitant le mouvement d’une horloge ou d’un pendule.

4.   Remontez très lentement en inspirant puis replacez les bras le long du corps en expirant.

On peut aussi se contenter du strict minimum : s’étirer puis baisser la tête et la placer dans ses bras sur le bureau ou sur ses genoux pour provoquer un afflux sanguin vers le cerveau.

 

La détente : évacuer le stress (pratyahara)

Pour gérer le stress provoqué par l’échéance des examens, rien de tel qu’un court yoga nidra. Il s’agit de se déconnecter de l’environnement extérieur mais aussi des pensées tourbillonnantes en revenant dans son corps, en observant son souffle puis en projetant des images apaisantes dans son espace intérieur. Cette pratique peut se faire étendu sur le sol ou assis sur une chaise. Le déroulement comprend toujours les mêmes étapes :

·       L’habitation du corps par la « rotation de la conscience » dans toutes ses parties.

·       L’observation du souffle : dans l’abdomen, dans la cage thoracique, dans le nez.

·       La prise de conscience de l’espace frontal (chidakash).

·       L’évocation intérieure d’images ou de situations inspirantes, telles qu’un coucher de soleil, un champ de coquelicots, un oiseau en train de chanter… À chacun de trouver ses propres représentations. On peut aussi se répéter un poème.

·       Le retour progressif vers le monde extérieur.

On pratiquera aussi des « respirations purifiantes » pour détendre le plexus solaire et se débarrasser de « la boule à l’estomac », comme dans l’exercice suivant :

Le soufflet

1.   Croisez les avant-bras contre la poitrine en plaçant la main droite sur l’épaule gauche et vice versa.

2.   Inspirez profondément par le nez en élevant les bras pliés devant vous, parallèlement au sol.

3.   Placez votre conscience au creux de l’estomac, dans la région du plexus solaire, puis expirez par la bouche, de façon saccadée, en abaissant par à-coups vos bras. A la fin de l’expiration, ils se retrouvent contre la poitrine.

4.   Recommencez quelquefois l’exercice puis relaxez tout votre corps.

 

Concentration et visualisation : se préparer mentalement (dharana)

Nous nous faisons souvent une montagne de l’examen en exagérant ses difficultés et l’impact d’un éventuel échec. Ce cinéma intérieur provoqué par notre imagination passe avant notre raison, comme le dit très justement Blaise Pascal dans cette judicieuse métaphore: « Le plus grand philosophe du monde, sur une planche plus large qu’il ne faut, s’il y a au-dessous un précipice, quoique sa raison le convainque de sa sûreté, son imagination prévaudra. Plusieurs n’en sauraient soutenir la pensée sans pâlir et suer »[4] . Si vous mettez une planche d’environ 50 cm de large et d’une dizaine de mètres de longueur à 50 cm du sol, vous parcourrez la distance sans problème, et vous effectuerez même sans crainte quelques pas de danse. Par contre si la même planche se trouve au-dessus d’un gouffre de 100 mètres, entre deux tours par exemple, vous refuserez probablement de vous y engager ou vous la traverserez en tremblant. Le vertige fera flageoler vos jambes et vous risquerez de chuter.

Toute la question est donc de savoir si nous nous représentons l’échéance « importante », notamment un examen, comme une planche à quelques centimètres ou à plusieurs centaines de mètres du sol ! Ce n’est pas la planche qui est la cause de notre éventuel échec : nous avons assez planché sur notre matière pour la rendre assez large. C’est bien la hauteur à laquelle nous l’imaginons qui peut tout nous faire rater. Il nous faut donc travailler sur la représentation que nous nous faisons de l’examen, comme le suggèrent les sages stoïciens.

Préparation mentale d’un examen

1.       Assis, dos droit et yeux fermés, prenez conscience de votre corps, de bas en haut, puis de votre souffle. Relâchez bien les épaules et le visage puis recentrez-vous dans l’espace frontal en regardant de l’intérieur la luminosité à travers vos paupières.

2.   Représentez-vous maintenant mentalement la situation en trois étapes :

a.   Vous travaillez la matière en compagnie d’un ami qui vous explique les points difficiles. Excellente occasion pour lui aussi de réviser ! Visualisez bien la scène, à votre bureau ou ailleurs. Vous posez des questions et votre ami y répond. Vous êtes à l’aise. Tout devient clair.

b.   Vous voici au moment de l’examen. Sentez-vous détendu en entrant dans la salle. N’avez-vous pas fait tout votre possible pour vous préparer ? Vous tirez une question qui vous convient. L’examinateur et son expert vous sourient. Vous développez facilement le sujet, en toute décontraction.

c.    Représentez-vous le moment où l’on vous remet votre diplôme. Vous voyez la personne qui vous donne le précieux papier que vous touchez. Vous entendez les félicitations de vos proches. Vous êtes radieux.

3.   Revenez dans l’espace frontal, le souffle et le corps avant d’ouvrir les yeux.

Remarque : on peut raccourcir cet exercice en ne vivant à l’intérieur que l’une des trois scènes.

 

L’assimilation du savoir : apprendre à se servir des sens intérieurs (dharana)

À chaque sens correspond une zone dans le cerveau. Nous sommes en fait dotés de dix sens, chacun ayant son double intérieur. Je puis regarder cet arbre dans mon jardin (vue extérieure) ou imaginer un cerisier en fleur dans mon esprit (vue intérieure). De même, il m’est aussi possible de réentendre une musique à l’intérieur, de me remémorer les saveurs d’un succulent repas ou les odeurs de tel ou tel endroit. Les sens intérieurs entrent en action dans mes rêves ou dans mes rêveries, puisque je me coupe alors des perceptions externes.

Il est capital d’utiliser plusieurs sens lors de l’apprentissage d’une notion pour qu’elle se grave mieux dans le cerveau. À chacun de trouver sa propre méthode d’assimilation. Le schéma suivant nous montre ces dix sens : 



Certains, plus visuels, auront besoin de voir ce qu’ils apprennent. D’autres, plus auditifs, d’entendre ou de se répéter mentalement la matière. D’autres encore, plus tactiles, d’écrire ce qu’ils doivent retenir. Mais une chose est sûre : il est essentiel d’utiliser au moins un sens intérieur pour intégrer un savoir, sinon, nous demeurerons en surface.

En conclusion, le yoga de Patanjali s’applique fort bien à la préparation d’un examen. Il nous enseigne la coopération, la clarification mentale, la manière de régénérer notre cerveau et d’évacuer le stress, l’appréciation juste de l’échéance et la bonne assimilation du savoir. Que demander d’autre ?

Jacques de Coulon

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[1] Micheline Flak, Jacques de Coulon, Le Manuel du yoga à l’école, Petite Bibliothèque Payot, Paris, 2016.
[2] Jacques de Coulon, Le Manuel de méditation au collège et au lycée, Petite bibliothèque Payot, Paris, 2018, p. 106
[3]  Epictète, Manuel, chap. 19, trad. Pierre Hadot, Le Livre de Poche, Classiques de philosophie, Paris, 2000, p. 175. 
[4] Blaise Pascal, Pensée 82, Le Livre de Poche, p. 41.

Jacques de Coulon

Ancien recteur, philosophe et auteur de nombreux ouvrages, Jacques de Coulon a contribué à la fondation du RYE en 1978

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