Nous approchons de la fin de l’année scolaire, période d’examens, notamment des baccalauréats. Comment s’y préparer le plus sereinement possible ? Le yoga sera d’une grande aide. Nous allons suivre ici les première étapes des Yoga Sutras de Patanjali telles que nous les avions décrites dans notre livre avec Micheline Flak, Le Manuel du yoga à l’école [1] en les appliquant à la préparation d’une épreuve :
1. S’entraider, travailler ensemble : yama.
2. Se désencombrer l’esprit et le clarifier : niyama.
3. S’oxygéner le cerveau : asana, pranayama.
4. Evacuer le stress en se relaxant : pratyahara.
5. Se recentrer et visualiser la situation : dharana.
6. Assimiler un savoir par les sens intérieurs : dharana.
Dans un premier temps, nous vous conseillons de lire attentivement ce qui suit pour vous faire une idée du chemin que vous allez emprunter jusqu’à l’examen, pour cartographier mentalement votre itinéraire. Il en va de même lorsque vous décidez de vous rendre en un lieu : vous prenez des renseignements sur le parcours et vous vous visualisez en train de le suivre. Cette brève anticipation vous permettra de mieux planifier ce que vous allez accomplir.
Je me souviens de deux classes parallèles où j’enseignais la philosophie il y a quelques années. À Noël, les résultats de la première étaient excellents, aucun élève n’ayant de résultats insuffisants. Dans la deuxième, au contraire, près du quart des élèves étaient à la peine. Je proposai donc à ces derniers de préparer leur bac par groupes de deux ou trois, notamment pour les mathématiques, la philosophie et les langues. Par exemple, l’élève bon en maths expliquait la matière à son camarade en difficultés et l’autre, doué en allemand, entraînait son condisciple dans la langue de Goethe. Résultat des courses : dans cette classe, tout le monde réussit son baccalauréat alors que dans la première classe, réputée si sérieuse, plusieurs élèves échouèrent, chacun ayant travaillé dans son coin.
Ce cas illustre l’importance de l’entraide. On intègre beaucoup mieux une matière en l’expliquant à autrui et les éclaircissements d’un camarade sont souvent plus efficaces que ceux d’un professeur qui s’adresse à l’ensemble d’une classe. Chacun tire profit du travail en commun. L’un de mes professeurs nous disait qu’en matière de coopération, 1 + 1 ne fait pas 2 mais 3 ! Une nouvelle intelligence émerge au contact d’autrui. Tout l’art consiste à former des groupes efficaces et complémentaires.
Une autre manière de collaborer consiste à se répartir les thèmes de l’examen, chaque élève préparant un résumé précis d’une partie de la matière pour ses camarades. Encore faut-il savoir ce qui est le plus important, distinguer l’essentiel de l’accessoire.
Descartes nous conseille d’avoir des « idées claires et distinctes » avant d’entreprendre quoi que ce soit. Sinon nous avancerons comme des aveugles dans le brouillard sur les sentiers de la vie. Nous avons déjà souligné l’importance de se représenter clairement la marche à suivre en vue de l’objectif d’un examen. Oui, mais comment concrètement se débarrasser des multiples pensées, souvent négatives, qui défilent comme de sombres nuages dans notre ciel intérieur ? Voici un exercice tiré de notre livre Le manuel de la méditation au collège et au lycée [2] :
Nous perdons énormément d’énergie en nous préoccupant de ce qui ne dépend pas de nous : le temps qu’il fait, le passé que nous ne pouvons pas réécrire, l’humeur d’autrui. Le Stoïcien Epictète nous enjoint de nous concentrer sur ce qui dépend vraiment de nous : « La réalité du bien se trouve dans ce qui dépend de nous. Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses mais bien la façon dont ils se les représentent. Qu’est-ce donc qui est à toi ? L’usage des représentations » [3].
Si je fais l’exercice à propos des examens de baccalauréat, je constaterai une multitude de vains tracas qui ne relèvent pas de moi : l’état d’esprit de l’examinateur ce jour-là, la question qui me sera posée, la météo du moment… Mais alors qu’est-ce qui est en mon pouvoir ? Le travail de révision en vue de l’épreuve, la sollicitation d’un camarade pour m’expliquer telle matière, la façon (positive ou non) dont j’envisage l’épreuve…
Faites un tableau de deux colonnes à propos de la situation (examen par exemple) que vous avez à vivre prochainement. À gauche, vous noterez ce qui dépend de vous, à droite ce qui vous échappe :
Remplissez vous-même un tableau personnalisé puis tracez avec vigueur tous les éléments de la colonne de droite qui ne relèvent pas de vous et qui risquent de polluer votre espace mental.
Trop d’étudiants demeurent des heures durant assis derrière un bureau. Leur cerveau risque alors de se fatiguer par manque de « sang frais ». D’où la nécessité de prendre des pauses. Le plus stimulant serait de se promener ou de courir dans la nature en faisant le vide de pensées liées au travail et le plein de sensations venues de l’environnement : chant des oiseaux, couleurs des fleurs, air fouettant le visage, odeurs des bois ou contact des pieds sur le sol.
Si l’on n’a pas envie de sortir du bureau, on se lèvera simplement de sa chaise pour pratiquer une brève séance de yoga en exécutant quelques mouvements en accord avec le souffle. L’idéal est de bien s’étirer en respirant pleinement et d’irriguer le cerveau en baissant la tête. D’où les exercices suivants :
N.B. Ces trois mouvements a, b et c se font sur une seule inspiration. Essayez de bien synchroniser l’inspiration et ces trois gestes.
On peut aussi se contenter du strict minimum : s’étirer puis baisser la tête et la placer dans ses bras sur le bureau ou sur ses genoux pour provoquer un afflux sanguin vers le cerveau.
Pour gérer le stress provoqué par l’échéance des examens, rien de tel qu’un court yoga nidra. Il s’agit de se déconnecter de l’environnement extérieur mais aussi des pensées tourbillonnantes en revenant dans son corps, en observant son souffle puis en projetant des images apaisantes dans son espace intérieur. Cette pratique peut se faire étendu sur le sol ou assis sur une chaise. Le déroulement comprend toujours les mêmes étapes :
· L’habitation du corps par la « rotation de la conscience » dans toutes ses parties.
· L’observation du souffle : dans l’abdomen, dans la cage thoracique, dans le nez.
· La prise de conscience de l’espace frontal (chidakash).
· L’évocation intérieure d’images ou de situations inspirantes, telles qu’un coucher de soleil, un champ de coquelicots, un oiseau en train de chanter… À chacun de trouver ses propres représentations. On peut aussi se répéter un poème.
· Le retour progressif vers le monde extérieur.
On pratiquera aussi des « respirations purifiantes » pour détendre le plexus solaire et se débarrasser de « la boule à l’estomac », comme dans l’exercice suivant :
Nous nous faisons souvent une montagne de l’examen en exagérant ses difficultés et l’impact d’un éventuel échec. Ce cinéma intérieur provoqué par notre imagination passe avant notre raison, comme le dit très justement Blaise Pascal dans cette judicieuse métaphore: « Le plus grand philosophe du monde, sur une planche plus large qu’il ne faut, s’il y a au-dessous un précipice, quoique sa raison le convainque de sa sûreté, son imagination prévaudra. Plusieurs n’en sauraient soutenir la pensée sans pâlir et suer »[4] . Si vous mettez une planche d’environ 50 cm de large et d’une dizaine de mètres de longueur à 50 cm du sol, vous parcourrez la distance sans problème, et vous effectuerez même sans crainte quelques pas de danse. Par contre si la même planche se trouve au-dessus d’un gouffre de 100 mètres, entre deux tours par exemple, vous refuserez probablement de vous y engager ou vous la traverserez en tremblant. Le vertige fera flageoler vos jambes et vous risquerez de chuter.
Toute la question est donc de savoir si nous nous représentons l’échéance « importante », notamment un examen, comme une planche à quelques centimètres ou à plusieurs centaines de mètres du sol ! Ce n’est pas la planche qui est la cause de notre éventuel échec : nous avons assez planché sur notre matière pour la rendre assez large. C’est bien la hauteur à laquelle nous l’imaginons qui peut tout nous faire rater. Il nous faut donc travailler sur la représentation que nous nous faisons de l’examen, comme le suggèrent les sages stoïciens.
Remarque : on peut raccourcir cet exercice en ne vivant à l’intérieur que l’une des trois scènes.
À chaque sens correspond une zone dans le cerveau. Nous sommes en fait dotés de dix sens, chacun ayant son double intérieur. Je puis regarder cet arbre dans mon jardin (vue extérieure) ou imaginer un cerisier en fleur dans mon esprit (vue intérieure). De même, il m’est aussi possible de réentendre une musique à l’intérieur, de me remémorer les saveurs d’un succulent repas ou les odeurs de tel ou tel endroit. Les sens intérieurs entrent en action dans mes rêves ou dans mes rêveries, puisque je me coupe alors des perceptions externes.
Il est capital d’utiliser plusieurs sens lors de l’apprentissage d’une notion pour qu’elle se grave mieux dans le cerveau. À chacun de trouver sa propre méthode d’assimilation. Le schéma suivant nous montre ces dix sens :
Certains, plus visuels, auront besoin de voir ce qu’ils apprennent. D’autres, plus auditifs, d’entendre ou de se répéter mentalement la matière. D’autres encore, plus tactiles, d’écrire ce qu’ils doivent retenir. Mais une chose est sûre : il est essentiel d’utiliser au moins un sens intérieur pour intégrer un savoir, sinon, nous demeurerons en surface.
En conclusion, le yoga de Patanjali s’applique fort bien à la préparation d’un examen. Il nous enseigne la coopération, la clarification mentale, la manière de régénérer notre cerveau et d’évacuer le stress, l’appréciation juste de l’échéance et la bonne assimilation du savoir. Que demander d’autre ?
Jacques de Coulon
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[1] Micheline Flak, Jacques de Coulon, Le Manuel du yoga à l’école, Petite Bibliothèque Payot, Paris, 2016.
[2] Jacques de Coulon, Le Manuel de méditation au collège et au lycée, Petite bibliothèque Payot, Paris, 2018, p. 106
[3] Epictète, Manuel, chap. 19, trad. Pierre Hadot, Le Livre de Poche, Classiques de philosophie, Paris, 2000, p. 175.
[4] Blaise Pascal, Pensée 82, Le Livre de Poche, p. 41.